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35 - L'Oubli

(D'après «La Mémoire» 1948 – Magritte) 

«La Mémoire»

 Le ciel est serein, les nuages flottants, la mer calme et le visage posé. Tout dans le tableau respire a priori une certaine quiétude. Seule la trace de sang vient entacher cette paix apparente d’un rouge vif qui tranche avec la pâleur du visage et contraste avec la couleur verte de la feuille. La tête aupremier plan du tableau est coupée à la base du cou. La tache de sang évoque le mouvement tandis que la tête donne l’image d’une certaine fixité. Le rideau rouge sombre délimite une partie du tableau. Le bord du rideau se prolonge par la raie de la chevelure, le nez, les lèvres, le menton et enfin par une éraflure sur le parapet, dans le bas du tableau. Le parapet lui-même est séparé en trois parties.Sur celle du milieu est posée une feuille séparée de l’arbre ou de la tige. La légèreté de la feuille contraste avec l’apparente lourdeur de la tête. L’objet sphérique, il s’agit d’un grelot, est lui-même séparé en deux demie-sphères distinctes. Cette ligne de séparation se retrouve sur celle qui délimite le rebord du parapet. Le grelot a la même texture que la tête, on pourrait croire qu’il estlui aussi en pierre. 

Tous ces signes iconiques rassemblés, on pourrait dire convoqués, par Magritte évoquent la séparation, la coupure accentuées par les lignes verticales du rideau et celle de la ligne d’horizon. Et puisqu’il est question de coupure, il y aussi nécessairement du sang, même si aucune blessure n’apparaît sur la tête. Les trois éléments sont donc coupés de leur contexte et parlà même isolés : une tête sans corps, une feuille sans arbre, et un grelot sans rien à quoi être attaché. On pourrait parler ici de solitude des signes. Les trois objets sont féminins : la tête de femme, la feuille, et le grelot si on le considère comme un symbole matriciel (la forme sphérique s’apparentant au ventre et l’élément métallique à l’intérieur étant l’embryon). La prolifération denuages dans le ciel ainsi que les légères ondulations à la surface de la mer suggèrent l’idée de mouvement qui accentue d’autant plus l’aspect figé des éléments au premier plan. 

L’aspect presque trop réaliste du paysage à l’arrière-plan contraste avec les éléments "surréalistes" du premier plan. La perspective du tableau semble aller vers l’infini et incite à une plongée du regard au-delà destrois signes mis en avant.

Les éléments présents dans le tableau font partie du "cabinet de curiosités" de Magritte. Les mêmes objets reviennent souvent dans ses œuvres, tantôt démesurés ou miniaturisés, ils sont en tout cas toujours détournés de leur fonction initiale. La mise en scène de ces objets empruntés à la réalité doit avant tout, selon Magritte, provoquer "un effet poétiquebouleversant": Le rideau Associé au parapet, le rideau donne l’illusion d’une fenêtre par laquelle on pourrait se pencher pour voir l’autre côté.

Le rideau révèle ou dissimule. Il donne un effet théâtral à chaque représentation voulue par le peintre.